J'ai envoyé une lettre au procureur de la république en décembre 2019 afin de pouvoir déposer plainte pour viol sur mineur par un ascendant. C'était bien avant le #metooinceste.
J'ai envoyé cette lettre après avoir été éconduite au commissariat de Montpellier par un "la brigade des moeurs est débordée, on ne peut pas prendre votre plainte, laissez-nous vos coordonnées et on vous rappellera", froid et sans un regard.
Personne ne m'ayant rappelé après une longue attente, je finis par prendre les devants, malgré une peur décuplée d'un nouveau rejet suite à cette indifférence des représentants de la loi à mon égard.
Rdv avec une juriste au CIDFF, rédaction d'une lettre appropriée à destination du procureur de la république et une attente interminable pour enfin recevoir dans ma boite aux lettres la fameuse "convocation gendarmerie nationale pour dépôt de plainte". Je m'y présente. On me pose une batterie de questions dont certaines excessivement gênantes et on émet des retours personnels à celles-ci dont nombre de psychologues connaissant les traumas seraient outrés de les entendre. Mais bon... La sensibilisation aux traumatismes auprès des forces de l'ordre n'est pas suffisamment répandue. Cela n'a rien de nouveau. Je ne les blâme même pas pour leur ignorance, ils sont loin d'être les seuls.
6 mois plus tard, après un arrêt de l'enquête suite au covid, je passe un bilan/enquête psychologique. Ce dernier déterminera de la poursuite de l'enquête ou de son arrêt définitif. A ce stade, l'affaire peut toujours être classée sans suite faute de preuves convaincantes. Mon avenir judiciaire dépend de l'avis de la magistrate chargée de l'affaire. Autant dire de peu de choses. Plus de nouvelles depuis de trop longs mois. Plus de mois que ce qu'on m'avait annoncé.
Je rappelle dès lors le gendarme ayant pris ma déposition la boule au ventre. Est ce que mon dossier n'aurait pas eu de retour favorable à sa poursuite et je n'en aurais rien su? Lui même n'en sait rien mais par chance, il ne me laisse pas dans l'incertitude et finit par apprendre que mon dossier voyage entre le sud et l'Ardèche (et qu'il se serait par ailleurs un peu longtemps égaré en chemin sans trop savoir pourquoi...), mais en tous cas cela signifiait d'après lui, que le présumé coupable serait supposément bientôt interrogé. Or, le dossier changeant de département, il doit être analysé de nouveau par un autre magistrat, qui lui a prit la décision qu'il manquait des éléments avant d'auditionner le principal intéressé et a renvoyé mon dossier dans le sud afin d'interroger ma mère en amont. Des mois supplémentaires pour faire à nouveau voyager un pauvre dossier... Ma mère est enfin interrogée, un an après ce dépôt de plainte. On nous informe que ma soeur et mon frère suivront. Puis de nouveau : Rien.
Nous sommes en octobre 2021. En ce jour même, mon agresseur fête ses 66 ans. L'idée qu'il puisse quitter ce monde avant de n'avoir confronté la justice m'est inenvisageable pour pouvoir poursuivre ma reconstruction.
Je vais l'an prochain avoir 30 ans. 30 ans de survie, 30 ans d'attente, 30 ans d'espoir.
J'ai besoin de votre signature, non pas pour prendre part à la place de la justice concernant cette affaire, mais pour que cette justice avance et fasse son travail avec plus d'écoute, d'empathie et d'efficacité envers les victimes. Nous sommes nombreux dans mon cas. Nous avons enclenché ce processus judiciaire à la suite d'un travail sur nous mêmes acharné, à la suite de doutes, d'anxiété. Mais nous l'avons fait pour nous sentir enfin respectés en tant qu'êtres humains et sortir de cet état de soumission et d'objectification dans lequel un individu nous a un jour mis. Si nous avons trouvé ce courage là pour qu'au final la justice nous reprenne le peu d'estime et de dignité qu'il nous reste de nouveau, comment pouvoir espérer un jour sortir de cet état et nous regarder avec fierté dans une glace?
J'ai besoin de votre aide pour que cette enquête avance afin de poursuivre ma reconstruction personnelle. Nous avons tous besoin de votre aide pour une meilleure justice. Pour sortir enfin de l'ombre et de l'indifférence.
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